PRIMEL, PLOUGASNOU ET LA REGION PENDANT LES GUERRES DE LA LIGUE

Je tiens tout d'abord à dire que pour les différents travaux historiques, je m'appuierai surtout sur le travail de recherche de Jean de Trigon (1902-1968) que l'on peut retrouver dans "Plougasnou et sa trêve de Saint-Jean-du-Doigt". Je consulterai également le petit ouvrage d'Anthony Lheritier, "La pointe de Primel".

Pour commencer, replongeons-nous dans cette période troublée qui a touché toute l'Europe. La violence des passions religieuses et des ambitions politiques déclenche en France une période de guerres civiles de 1562 à 1593. Les souverains Charles IX, Henri III, et leur mère Catherine de Médicis ont essayé de pratiquer une politique de modération et de coexistence entre les cultes protestant et catholique. Ils se sont heurtés aux ultra-catholiques (les Guises) appuyés par l'Espagne, et aux ultra-protestants (les Condé), appuyés par l'Angleterre.

Pour plus de précisions historiques je vous conseille de prendre un bon livre d'histoire mais pour en revenir à la Bretagne et Primel plus précisément, on peut dire que le XVI e siècle fut assez heureux en général. Le protestantisme n'avait pas touché le peuple des campagnes. L'hérésie se localisa d'abord à Rennes et à Vitré puis s'étendit à quelques villes de Haute-Bretagne. La partie bretonnante fut à peine effleurée. Ce n'est qu'avec la création et l'intervention de la Ligue que les problèmes commencèrent à arriver en Bretagne. La Sainte Ligue s'était constituée pour défendre la religion catholique contre le calvinisme et renverser Henri III. Elle trouva dans le gouverneur de Bretagne, le Duc de Mercoeur, un véritable allié puisqu'il fut un des derniers à continuer le combat après le couronnement d'Henri IV.

La ville de Morlaix accepta avec fougue cet engagement et créa "La Chambre de l'Union". Les seigneurs environnent devaient prêter le serment de l'union devant l'archidiacre. Peu pressé de rejoindre ce ralliement car se sentant un peu éloigné des conflits, Plougasnou ne rallia le mouvement que le 29 novembre 1589 car il devenait dangereux de faire bande à part. Les premières années de guerre furent assez calmes. En 1592, le Duc de Mercoeur confie le commandement de la place de Primel à François de Goëzbriand (de Plouézoc'h). Celui-ci en profita pour se livrer à des réquisitions arbitraires qui se transformèrent rapidement en pillage et autres excès soldatesques. En 1594, année de l'avènement d'Henri IV et de son sacre, Goëzbriand trouve bon de rallier le parti du vainqueur. Henri IV le confirme donc dans son poste à Primel et à Plessis-Eon (pays de Lannion) et l'autorise à lever une compagnie de chevaux légers pour combattre les ligueurs. Goëzbriand préféra recommencer ses brigandages en rançonnant les paroisses et également en arraisonnant à l'aide de trois barques armées tous les navires sans distinction qui passaient au large de Primel. Il avait même tendu entre deux roches de fortes chaînes interdisant l'accès à la seule plage abordable.

En 1595 les députés de Morlaix portent plainte contre les trop nombreux méfaits. Goëzbriand est prié d'abandonner la place, mais lui préfère gagner du temps. Mais pendant ce temps justement, un autre personnage Philippe II d'Espagne, entre en jeu. Son but fut d'envenimer les divisions au sein des pays rivaux. C'est pourquoi il envoya des troupes espagnoles en Bretagne pour soutenir le Duc de Mercoeur qui n'avait pas abandonné la lutte.

Un jour, un routier irlandais du nom de Abranxe se présente au commandant espagnol du corps expéditionnaire : Don Juan d'Avila. Il lui propose un plan pour s'emparer de la forteresse de Primel et obtenir ainsi son appui. Don Juan accepte et lui adjoint comme allié La Fontenelle, ligueur et partisan de Mercoeur qui terrorisa la Cornouaille bretonne et qui avait basé son repaire dans l'Ile Tristan en face de Douanenez. (Celui-ci avait d'ailleurs déjà essayé de s'emparer de Primel mais les assauts furent toujours repoussés) Don Juan ajouta qu'une fois conquis, le château de Primel serait tenu pour le compte du roi d'Espagne.

Une petite troupe de quelques douzaines de guerriers bretons, irlandais et espagnols se dirige donc vers le château de Primel. Goëzbriand surpris par cette attaque est facilement vaincu et le fort fut occupé le 20 avril 1596 aux cris de "vive le roi d'Espagne". Le 2 mai Don Juan fit parvenir des vivres aux troupes victorieuses qui lui expédièrent à titre de gage Goëzbriand fait prisonnier. Peu après, il envoie une pinasse de guerre transportant une vingtaine de soldats commandés par Gomez Freire de Andrede. Ces hommes ont pour mission d'annoncer de nouveau renforts et d'achever l'occupation de la place et son aménagement.

Boiséon de Coëtnizan, gouverneur de Morlaix, et la population des alentours voient d'un assez mauvais oeil le fait que la bannière de la Sainte Ligue flotte, en période d'armistice, sur la pointe (endroit que l'on nomme encore Roc'h ar banniel). De plus, la peur de nouveaux pillages par La Fontenelle et sa bande le font rapidement réagir. Boiséon de Coëtnizan et Rieux de Sourdéac, gouverneur de Brest, unissent leurs forces et mettent le siège par terre et par mer devant Primel. Le blocus dure deux mois sans résultats. Les assiégés reçoivent de Don Juan trois vaisseaux chargés d'hommes et de vivres qui aident à tenir la forteresse. Boiséon ne disposant plus de forces suffisantes se retire avec ses soldats. Là intervient un événement dans la vie de Plougasnou que vous pouvez retrouver dans le texte "La revanche des Plouganistes".

De leur côté, les Espagnols renvoyèrent les hommes de La Fontenelle et Don Graviel de Amezcoa pût prendre possession de Primel au nom de Sa majesté Catholique. La Fontenelle n'en démordit pas il envoya son lieutenant de La Haye avec plusieurs hommes afin de reprendre possession de Primel. Ceux-ci s'élancèrent à l'assaut de la pointe, glissant sur les rochers et sur le goémon. Plus d'un furent précipités sur les rocs aigus, le combat fût sanglant et dura, les assaillants durent se retirer car la mer remontait. La Fontenelle ne voulait pas d'insuccès, de La Haye fût poignardé par un de ses propres hommes. C'était sa dernière tentative. Les Espagnols s'adonnèrent à ce que la région avait toujours connu (pillage, arraisonnement de navires, vols etc…)

Boiséon tenta une autre expédition en 1597 avec l'aide des anglais (eh oui !). Le siège dura et pendant ce temps les troupes de Don Juan se révoltaient contre leur chef. Don Graviel de Amescoa n'abandonna pas la lutte et il garrotta même quatre de ses hommes qui voulaient capituler. Il tint ainsi jusqu'en mai 1598 mais affamés, et ayant subi les assauts d'un hiver rude, les troupes espagnoles quittèrent Primel. Les gars de Plougastel démolirent les ouvrages de défense mais la destruction fut incomplète et en 1616, une troupe de routiers formés de rebut de tous les partis s'établit à Primel et les pillages recommencèrent. Boiséon, âgé, mobilisa à nouveau sa milice et nettoya Primel, avec les compagnies bourgeoises de Morlaix. Les luttes qui avaient ravagé le pays durant les guerres de la Ligue prenaient fin et Primel était confié à une compagnie bourgeoise formée par des nobles de Plougasnou.

Les différents documents de cette époque nous expliquent que Plougasnou et ses environs subirent en effet de nombreux assauts des différents pilleurs mais que les habitants du pays continuèrent malgré tout leurs activités et n'abandonnèrent pas leurs villages.

Gaël-Marie L'intanf.

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