La revanche des plouganistes

Ce texte est à inclure dans la partie Plougasnou durant les guerres de la Ligue. Ici je recopierai mot pour mot le texte de Jean de Trigon dont la prose me paraît tout à fait limpide et n'a donc pas besoin d'être transformée.

Replongeons-nous au moment de l'action : Boiséon vient d'échouer pour la première fois la prise de Primel. Il regagne donc Morlaix avec ses troupes. De leur côté, les Espagnols ne vont pas tarder à renvoyer les hommes de La Fontenelle afin de garder pour eux seuls la possession de Primel.

"Tandis que les troupes régulières échouaient aussi piteusement, les habitants de Plougasnou effectuaient la seule action d'éclat de cette campagne. Afin de couvrir sa position principale de postes avancés, La Fontenelle s'était emparé du château de Kerprigent dont les massifs boisés tranchaient sur le plateau de landes sauvages situé au sud du village de Saint-Jean-du-doigt. Il y avait placé une garnison qui devait jouer le rôle de vigie. Ses hommes se livrèrent en même temps à d'autres occupations, d'un rendement plus lucratif. Ils visitèrent fermes et granges, emportant le bétail, les fourrages, les sacs de grain, buvant à même le fût, guettant les filles. Ivres, ils avaient le coup de poing facile. C'était odieux ! Les paysans molestés, dépouillés, se concertèrent en vue d'une prochaine révolte. Ils étaient décidés à chasser les intrus, mais ils manquaient de chefs. Ils en trouvèrent un auquel ils n'avaient peut-être pas pensé.

Messire Jean Lagadou, recteur de Plougasnou, était un de ces prêtres combatifs qui ne doutent de rien ! Foi de charbonnier, santé à toute épreuve, cœur ardent battant dans un coffre puissant, ils cheminent sur les routes de la vie, tenant d'une main leur bréviaire et de l'autre leur pen-baz.

Un dimanche, comme il terminait le prône, le recteur proposa aux fidèles de se réunir dès l'après-midi pour aller chasser de Kerprigent les brigands qui s'y retranchaient. Avec enthousiasme on accepte, et, après avoir mangé la tranche de lard et avalé la bouillie, tous les hommes valides se retrouvent, rassemblés au carrefour de Kervron. Ils sont là en foule, serrant leurs faux, leurs épieux, leurs bâtons, leurs fourches. Le recteur saute sur un talus, expose son plan, lance le mot d'ordre et prend allègrement la tête de la troupe qui se forme en colonne derrière lui.

A l'approche du manoir, il recommande le silence. Quand tout le monde est prêt, une clameur éclate et c'est la ruée féroce, qui enfonce le portail, envahit la cour, grimpe aux fenêtres. On s'accroche aux meneaux, les vitres s'éparpillent en éclats. L'assaut est si rapide que les bandits n'ont pas eu le temps de saisir leurs armes. Certains cuvaient sans doute leur vin.

Cernés, isolés, étouffés, ils sont bel et bien massacrés. Les matraques brisent les crânes, des piques les clouent aux murs. Quelques-uns bondissent à travers les fourrés, se perdent dans les bois, d'où ils tenteront, la nuit, de rejoindre leurs compagnons de Primel. Les vainqueurs sortent alors le butin ramassé par ces voleurs, l'exposent en plein air et chacun fouille dans le tas pour retrouver son bien. Mais ce combat à creusé l'appétit. La sueur ruisselle. On a faim et soif. Le cellier, la cave sont mis à sac. Le cidre clapote, les armoiries sont forcées et quand on a bien bu, on couronne la fête par un superbe Tantad ; on allume un feu de joie dont le manoir fait les frais. Autour de la maison qui flambe, la foule organise une ronde ! "

Voilà donc comment les habitants de plougasnou et des environs mirent la pâtée aux hommes de La Fontenelle et récupérèrent leurs biens.

Gaël-Marie L'intanf - Jean de Trigon

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