Voici la retranscription d'un article paru dans un numéro de novembre 2000 du Télégramme.

Fresque de Kerga taguée dans un hôtel squatté

Un magnifique hôtel abandonné et régulièrement squatté. A l'intérieur, c'est une superbe fresque du peintre Kerga qui a été taguée. Voilà le triste spectacle qu'offre l'hôtel Kastell ar Sall, à Primel.

Majestueux face à la mer, l'hôtel Kastel ar Sall écorche aujourd'hui le paysage, à Primel Trégastel, en Plougasnou. A travers les carreaux brisés, les rideaux tournoient dans le vent. Dans l'établissement, des verres cassés et des bouteilles vident jonchent un moquette brûlée par des mégots de cigarette.

Le long de l'escalier grimpant aux étages, une immense fresque (10 m sur 2 m) est couverte de graffitis. Représentant le moulin à marée du Dourduf, cette oeuvre a été peinte, en 1925, par Kerga.

Estimée à près de 50.000 F

Quand il contemple cette fresque barbouillée, Marc Verrier est fou de rage. Originaire de Plougasnou, ce professeur d'arts plastiques à Paris ne mâche pas ses mots. "Personne ne dit et ne fait rien. C'est lamentable. Je ne veux pas que cette oeuvre parte en fumée, alors qu'on peut encore la sauver et la restaurer. A mon avis, elle vaut entre 40.000 F et 50.000 F".

De l'autre côté de la baie, à Roscoff, Renaud D'Herbais et Elisabeth Faliu avaient réussi à sauver 250 m² de fresques de Kerga qui couvraient les murs du sanatorium de Perharidy.

Pour mener à bien des travaux, la direction du centre avait décidé, en 1990, de les supprimer, avant que Renaud D'Herbais et Elisabeth Faliu n'alertent l'opinion et ne réussissent à les préserver. "Ce qui se produit à Plougasnou est un véritable saccage. C'est de la bêtise, de l'ignorance. Il faudrait aviser la DRAC (direction régionale des affaires culturelles)".

 

A Primel, l'hôtel Kastel ar Sall est régulièrement squatté. Des individus ont même tagué une fresque de Kerga, peinte sur l'un des murs de cet ancien haut lieu de la fête qui a accueilli Fréhel, Nina Rici, Joseph Kessel... L'artiste Marc Verrier est fou de rage.

Construit en 1925, l'hôtel tombe aujourd'hui en ruine. Il est bien loin le temps où Kerga, la modéliste Nina Rici, le général Weygand, la chanteuse Fréhel ou encore l'écrivain Joseph Kessel venaient séjourner dans ce haut lieu de la fête.

Dépot de bilan

Il y a une dizaine d'années, l'établissement avait été racheté par un comité d'entreprise qui y avait entrepris 3,5 millions de francs de travaux. L'hôtel a ensuite été revendu à un groupe d'intéret économique (GIE). La gestion avait été confiée à un particulier, mais l'hôtel n'a pas fait recette. Ce fut le dépot de bilan, puis la liquidation judiciaire.

 

Le mandataire liquidateur, Me Soret, est chargé du dossier et de la revente de l'établissement. Mais depuis au moins trois ans, l'hôtel est fermé. Seuls les squatters viennent régulièrement hanter les lieux.

"Une verrue insupportable"

Les riverains en ont ras-le-bol de voir cet hôtel se délabrer. "C'est un vrai taudis", peste le maire de Plougasnou, Hervé Picart. "J'interpelle régulièrement Me Soret, mais il n'a pas l'air de vouloir bouger. Nous en avons assez. Cet hôtel est devenu une verrue insupportable en bord de mer. Les habitants de Primel me demandent de faire quelque chose, mais c'est un établissement privé. La mairie ne peut donc rien faire. C'est bien regrettable".

Quant à Me Soret, nous avons tenté hier, de le joindre à plusieurs reprises, mais celui-ci n'a pas donné suite à nos appels. Dommage, car nous aurions aimé connaître le sort réservé à l'hôtel et à la fresque. A moins qu'on veuille les classer définitivement au rayon des chefs-d'oeuvre en péril.

Jacques Chanteau

Kerga : le peintre de la baie de Morlaix

De son vrai nom Charles de Kergariou, Kerga est né le 10 juillet 1899, au château de Lannuguy, près de Morlaix. C'est sa marraine, la marquise de Kergariou, qui a fondé le centre héliomarin de Perharidy, à Roscoff.

Baptisé le peintre de la baie de Morlaix, Kerga a notamment évoqué les paysages léonards, aussi bien dans ses décors muraux que dans ses huiles, gouaches et gravures. Il n'exposa jamais de son vivant. "Il n'empêche que son travail demeure original et présente une grande unité, annonçant le goût pour la couleur à peine délayée, posée en larges aplats cernés", selon Patrick Jourdan, conservateur du musée des Jacobins, qui a accueilli une exposition consacrée à Kerga au printemps 1994. Cette première exposition de Kerga a permis de découvrir ses oeuvres, longtemps oubliées chez des particuliers.

A la fois bohème, loufoque et attachant, l'artiste est décédé, en 1956, à Paris, où il travaillait dans une entreprise de mécanique et d'instruments de précision. Il avait 57 ans.