Voici la retranscription d'un article du Télégramme paru le 16 mai 2002 en page Morlaix. Cet article n'est pas signé.

ART : KERGA
FAIT LE MUR

A Plougasnou, un travail chirurgical est mené à l'hôtel Kastell Ar Sall, où la fresque murale du peintre Kerga est enlevée pour rejoindre le musée des beaux-arts de Rennes. Près de 2.000 heures (90 h par m²) sont nécessaires pour retirer cette oeuvre qui va quitter son mur d'origine où elle a été réalisée en 1925. Page 12

La suite de l'article en page Morlaix (page 12):

 

Le périlleux sauvetage de la fresque de Kerga

Le moulin du Dourduff, tagué, avant restauration. Le moulin du Dourduff après restauration.

Ce n'est pas la première fois qu'une fresque de Kerga est restaurée ou sauvée de l'oubli. Mais pour la première fois, une toile est retirée de son lieu d'implantation pour gagner un grand musée, en l'occurrence le musée des beaux arts de Rennes. Un travail de fourmi dans un lieu pas comme les autres: l'hôtel Kastell ar Sall, sur le front de mer, à Primel-Trégastel, en Plougasnou.

Racheté l'an dernier 1 F symbolique par le musée de Rennes, la fresque de Primel, après une phase de décollage qui n'est pas achevée, tant le travail est minutieux (90 h de travail pour décoller un mètre de toile) l'oeuvre sera en bonne place au musée de Rennes.

Fresque de 1925
Au moment de la construction de l'hôtel, Kerga reçoit la commande d'une fresque de 10 m sur 2, qu'il installe sur les murs, le long de l'escalier qui mène à l'étage.
L'artiste travaille sur place: cela lui procure un gîte pour quelque temps. Il se soucie du contenu mais pas de l'emballage. Il colle grossièrement sa toile sur un mur de brique, dont il masque les ondulations par quelques vaguelettes d'enduits.

Travail chirurgical
" L'affreux Kergariou ! " Véronique Le Goux, restauratrice de peinture murale, se livre sur place à un véritable travail de fourmi, long et difficile, même si elle est persuadée du bien-fondé de cette mission " Cela revient tout de même moins cher qu'un simple rond-point ! ".
Missionnée par le musée de Rennes, elle avoue avoir rarement rencontré de telles difficultés. La manière de procéder à l'époque de Kerga lui complique là tâche.

Pour autant, elle est séduite, d'abord de contribuer à sauver une oeuvre et, qui plus est à la faire connaître, ensuite, par la personnalité de l'artiste.
" La peinture est parfaite, elle n'a aucun défaut, c'est le support qui pose problème ", précise-t-elle. La fresque, après être décollée centimètre par centimè-tre à l'aide de scie, est enroulée progressivement. Nerveux s'abstenir.

Plusieurs couches
En menant à bien son minutieux travail, Véronique Le Goux a acquis une certitude: la peinture a été recouverte d'une autre peinture qui a ensuite été enlevée.
Le cadre, d'ailleurs, a été repeint trois fois. La restauratrice est persuadée que des personnes peuvent avoir des souvenirs ou, mieux, des traces (photos) de ces étapes de la vie de la fresque.
Durant la guerre, l'établissement était occupé par les Allemands:
l'huile de Kerga aurait-elle été recouverte d'insignes, de croix gammées ?

Taguée
L'hôtel Kastell ar Sail fait l'objet de toutes les vicissitudes face à la grande plage de Primel-Trégastel, front de mer que la commune programme de rénover. Ici se sont rendues en villégiature bien des célébrités, le maréchal Foch, Fréhel, Joseph Kessel, Nina Rici, le général Weygand...
L'an dernier, l'hôtel, squatté régulièrement et dans un piteux état, a été racheté. Depuis, les travaux sont bloqués pour une affaire de personnel polonais pas très claire. Encore une péripétie... Le tag retrouvé sur la fresque avait rendu fou de rage un professeur d'arts plastiques originaire de Plougasnou, Marc Verrier.
Un tag qui n'a eu qu'un mérite:
en déclenchant le courroux, il a permis le sauvetage. Celui-ci devrait se prolonger en juin.

 

" Le peintre de la baie de Morlaix "

Celui que l'on surnommait " le peintre de la baie de Morlaix ", Charles de Kergariou de son vrai nom, est né au château de Lannuguy, près de Morlaix, en 1899, et mort à Paris en 1956. Il a évoqué les paysages de la baie, aussi bien dans ses décors muraux que dans ses huiles, gouaches et gravures, Il n'exposa jamais de son vivant. Une exposition lui a été consacrée, en 1994, au musée des Jacobins.
Patrick Jourdan, le conservateur, évoquait, à l'époque, un travail original et d'une grande unité: " Il annonce le goût pour la couleur à peine délayée, posée en larges aplats cernés ". Il est probable que des œuvres de Kerga restent encore à découvrir.

 


Kerga vu par Tramber


Pour le dessinateur-aquarelliste Tramber, il ne fait pas de doute que Kerga n'a pas usurpé sa réputation: " était et reste LE peintre de la baie de Morlaix ". " ll y a eu les écrivains, les poètes, mais le peintre, c'est bien lui ". Le père de Kébra n'a de cesse de s'émerveiller devant l'accomplissement des fresques, comme celle de Kastell ar Sail, qu'il juge majeure: " Cette reconstitution du moulin à marée du Dourduff mérite sa place au musée de Rennes ". L'artiste s'arrête aussi sur l'art de vivre " décalé, bohême, un peu loufoque " de Kerga: " Faire des fresques dans un hôtel lui permettait d'être nourri-logé ". Il y reconnaît le souffle de liberté qui lui est si cher. Kerga était d'abord un homme libre.